Pramana
6 février 2024 Back To Basics #Data Management #ROI

Coûts et bénéfices du Data Management

Faciliter la mise en lumière du ROI des activités de Data Management

Pramana
Pramana

Nombreux sont les Data Office qui se heurtent à la difficulté de mettre en avant les bénéfices du Data management et qui, par conséquence, faillissent à déclencher le lancement de projet ou encore l’obtention de support de la part de sponsors. Dans cet article, nous allons essayer de transposer une logique d’analyse coûts-bénéfices sur des sujets data afin de faciliter la mise en lumière du retour sur investissement de la pratique de Data Management.

Introduction

Afin de déterminer si un projet est rentable ou non et de valider ledit projet, il est d’usage d’effectuer une balance coûts bénéfices. Pour ce faire, nous allons chercher à chiffrer toutes les pertes liées à la situation actuelle, pertes que nous allons mettre en comparaison avec les coûts nécessaires pour évoluer vers une situation où ces pertes n’existent plus. La comparaison permet ainsi de voir si, oui ou non, les investissements sont rentables. Et, si oui, au bout de combien de temps. C’est ce qu’on appelle généralement une analyse coûts-bénéfices.

Avoir ce mode de fonctionnement semble logique, et cela a d’ailleurs fait ses preuves à de nombreuses reprises dans le monde de l’entreprise (et ailleurs, Cf. le pari de Pascal). Le but de cet article n’est pas de revenir sur le bien-fondé d’une telle approche. On note cependant que cette méthode comparative n’est pas une fin en soi, mais un moyen efficace d’estimer, de justifier et d’aider à l’arbitrage pour décider des engagements financiers.

Il existe de très nombreuses méthodes et cadres d’analyse permettant de quantifier et anticiper les pertes, coûts et bénéfices liés à un changement de situation. Toutefois, lorsqu’on cherche à appliquer ces analyses au monde de la donnée, l’exercice devient beaucoup plus complexe. Dans cet article, nous allons nous interroger sur l’utilisation de ce type d’approche adaptée à un contexte Data (architecture, qualité, Master Data, gouvernance).

Qu’est-ce qu’une analyse coûts-bénéfices classique ?

Tout d’abord, penchons-nous sur le contexte dans lequel sont réalisées les analyses coût-bénéfices.
La démarche d’identification de la balance « Bénéfices-Coûts » a l’avantage d’être simple à comprendre. Elle met en évidence de manière factuelle la rentabilité escomptée d’un projet et permet de les comparer entre eux. Il suffit de mesurer l’ensemble des coûts et investissements nécessaires pour un projet, d’évaluer tous les bénéfices potentiels apportés par ledit projet et de les mettre en regard les uns avec les autres. Ce faisant, à l’issue de mon comparatif, si mon bénéfice est supérieur à mon coût, alors mon projet est prioritaire.

  • Ces éléments quantitatifs et comparatifs servent plusieurs objectifs :
  • Rassurer les investisseurs et sponsors du projet ;
  • Faciliter les arbitrages ;
  • Justifier les investissements et prises de décisions ;
  • Etc.

De fait, plus mon rapport entre le coût et le bénéfice est important, plus mon projet est prioritaire sur les autres. Ainsi je détermine comment allouer les ressources limitées de l’entreprise le plus efficacement possible.

Presque observée religieusement par certains dans le processus projet de l’entreprise, cette analyse devient parfois un point de passage obligatoire. Principalement effectuée sur des phases amont et de cadrage, comme aide à la décision, il est assez rare de revenir dessus une fois les projets lancés afin de vérifier si nos analyses et choix étaient pertinents. Ce qui, malheureusement, peut pousser certains acteurs à adapter ou modifier leurs résultats d’analyse pour augmenter la rentabilité perçue et décrocher le sésame : mon projet est prioritaire !
D’autre part, si l’intention derrière ces analyses est bonne l’utilisation qui en est faite est, parfois, trop dogmatique. Une méthodologie d’identification des coûts et des bénéfices, aussi parfaite soit elle, occultera forcément certains coûts et bénéfices non quantifiés, surtout pour des initiatives et projets donc le caractère transverse rend les gains difficiles à évaluer.
Toutefois, pour ceux qui veulent aller plus loin, voici une liste de frameworks existant donnant les bases pour construire au mieux un comparatif coûts-bénéfices : méthode ACB, matrice BCG, CIGREF, Infonomics, Matrice de Pugh (Lean 6S), etc.

Quels sont les coûts liés à la donnée ?

Afin de permettre la gestion de ce patrimoine d’information, beaucoup d’entreprise ont mis en place des programmes de Data Management. Le Data Management est le développement, l’exécution et la supervision des plans d’actions, des politiques, des programmes et des pratiques qui délivrent, contrôlent, exploitent et améliorent la donnée et les informations durant leur cycle de vie.
Lorsqu’on lit cette définition, on comprend tout de suite que le data management est là pour arbitrer et effectuer le suivi de projets data. Et qui dit arbitrage et projet, dit analyse coûts-bénéfices. Essayons ensemble d’identifier les sources de coûts que peuvent engendrer des projets de data management. Par la suite, nous ferons le même exercice pour les bénéfices.
En premier lieu, parlons des coûts potentiels lors du déploiement d’un projet de data management (gouvernance, outillage, etc.) :

  • Premièrement, les coûts stratégiques dus à un retard sur le positionnement de l’entreprise, à un décalage avec la roadmap prévue ou à tout autre élément relatif ayant un impact par rapport à la vision de l’entreprise et son évolution.
  • Ensuite, viennent les coûts humains. Qu’il s’agisse de recrutement, de formation ou de restructuration au sein de l’entreprise, et ce pour des besoins relatifs à la gestion des données. Ce sont des éléments qui peuvent varier grandement en fonction du périmètre du projet et des sujets adressés. Lorsqu’il s’agit de gouvernance pure, ce centre de coût est généralement le plus représentatif.
  • La modification des processus est aussi un centre de coût potentiel. L’allongement des processus afin d’en augmenter la fiabilité ou l’ajout d’actions intégrées au processus qui n’étaient pas effectuées auparavant – telles que la capitalisation – peuvent induire des dépenses supplémentaires.
  • Par ailleurs, un projet de data gouvernance ou l’ajout de celle-ci peut également avoir un impact fort sur le temps de cycle de vie des projets. L’ajout de comités, de responsabilités et de vérifications peut dans certains cas alourdir les décisions et faire diminuer l’agilité de l’entreprise pour parfaire sa structuration et diminuer les risques. Dans d’autres cas, même si la data gouvernance est mise en place pour servir d’accélérateur et gérer plus rapidement des sujets encore mal maitrisés, une phase de rodage peut être nécessaire. Phase pendant laquelle il est encore dur de percevoir l’accélération des projets et où il est tentant de voir le déploiement d’une gouvernance comme un frein.
  • Un autre coût évident concerne l’acquisition de nouveaux outils permettant la gestion de la donnée.
  • Enfin, il est nécessaire de ne pas omettre tout autre coût financier pouvant s’ajouter aux différents projets data-driven.

On remarque aussi qu’en général tous les coûts présentés ci-dessus sont traduits en équivalents monétaires afin de les comparer entre eux. C’est sur cette conversion des coûts que j’aimerais attirer votre attention. En effet, celle-ci peut être source de nombreuses erreurs et rendre ainsi difficile l’évaluation et l’anticipation du coût réel et final d’un projet. Sans parler des coûts cachés d’un projet qu’il est difficile d’évaluer.

Quels sont les bénéfices liés à la donnée ?

Mais s’il existe des coûts aux projets de data management, il existe aussi des bénéfices à mettre en regard de ceux-ci. Ce sont ces bénéfices que nous allons tâcher de lister ici au travers de différents axes :

  • Tout d’abord, les bénéfices liés à un positionnement stratégique. En effet, de la valeur peut découler de l’amélioration de l’alignement de la gestion de la donnée avec la stratégie de l’entreprise et l’évolution souhaitée de celle-ci (par exemple, se tourner vers du Data Mesh, se diriger vers une gouvernance fédérée, commercialiser ses données…).
  • Par ailleurs, le gain financier, en réduisant directement les coûts ou en créant de nouveaux cas d’usages permettant de tirer de la valeur de la donnée encore mal ou non exploitée à ce jour.
  • En outre, l’apport de valeur pour le métier dans l’exercice de ses fonctions résultant directement d’une accélération ou facilitation de l’accès à l’information. Les collaborateurs sont plus efficaces mais surtout libérés de la frustration et du sentiment de devoir « courir après l’information » lorsque celle-ci n’est pas clairement structurée et accessible.
  • Ensuite, vient l’amélioration de la qualité de la donnée qui permet de diminuer les erreurs existantes sur le patrimoine data. Que cette donnée soit utilisée au jour le jour dans les processus métier ou qu’elle soit utilisée pour du reporting et de la prise de décision.
  • Le gain d’efficacité en général, grâce à une meilleure organisation et structuration autour d’éléments potentiellement encore mal maitrisés est aussi considéré comme source de bénéfices.
  • En outre, l’axe légal et les contraintes juridiques qui sont un moteur de changement très fort au sein des organisations et qui, à eux seuls, peuvent justifier des investissements importants. Et ce, afin de respecter la loi, par crainte de sanctions, pour l’image ou encore par principe.
  • Enfin, tout autre raison apportant un quelconque bénéfice pour l’organisation et pouvant justifier un investissement.

Toujours, dans les bénéfices les entreprises peuvent se tourner vers la valorisation et commercialisation de leur donnée – sujet traité dans un prochain article. Et, pour les aider à déterminer si oui ou non une opportunité se présente à eux, ils peuvent réaliser cet exercice de coûts-bénéfices pour appuyer leur décision.

Comme pour les coûts, l’ensemble des bénéfices est généralement converti dans la même unité : l’argent. Et ce, afin de rendre plus intelligible et comparable entre eux lesdits bénéfices, mais aussi les mettre en miroir face aux coûts. Là aussi, la conversion est source d’erreur et rend difficile cette quantification.

Comment appliquer cette grille de lecture aux initiatives data ?

Ces listes, non exhaustives, permettent de toucher du doigt un élément central de l’évaluation des coûts et bénéfices liés à l’activité de data management : il est très dur d’en effectuer une estimation complète et fiable. Et ce, peu importe qu’il s’agisse de qualité, d’architecture, de gouvernance, ou autre. Cela s’explique par le fait que le Data management est par essence un sujet transverse, il tire avec lui de nombreuses autres activités de l’entreprise rendant extrêmement complexes l’identification des centres de dépenses ou encore la mesure des effets de bord d’un projet que ce soit en termes de gains ou de dépenses.

Maintenant que nous avons dit ça, plusieurs questions nous viennent : Est-ce que tout ce que nous venons de dire ne sert à rien ? Est-ce que seule la croyance en la gouvernance des données justifie les investissements ? Est-ce que la pratique de la gestion des données est exempte d’effectuer cet exercice ? Est-ce qu’il faut chercher à créer le cadre parfait pour estimer au mieux dépenses et gains liés aux projets de gouvernance ?

Il n’existe pas de méthode d’analyse complète, infaillible et absolue pour conduire une analyse coûts-bénéfices avec la certitude que notre investissement sera rentable pour l’entreprise. Ce n’est cependant pas pour cela que le data management ne doit pas se confronter à cet exercice. En effet, il amènera les acteurs de la data à se poser les bonnes questions, il permettra d’accompagner à la gestion du changement et aider à convaincre les plus réfractaires que le data management n’est pas qu’un effet de mode mais bien un accélérateur pour l’entreprise. Une réelle source de bénéfices.

Se plier à l’exercice d’analyse coûts-bénéfices est d’ailleurs une manière de se pencher sur la quantification et la formalisation des problèmes rencontrés afin d’identifier les clés de succès d’un projet de data management. Derrière cela, la formalisation de ces éléments sera utilisée pour aller plus loin qu’une simple priorisation mais pourra permettre une réelle montée en maturité et faciliter le retour d’expérience : avions-nous anticipé ces bénéfices et les avons-nous obtenus ? Si non, pourquoi ? Quels ont été les facteurs qui nous ont freinés ? Comment ne pas retomber dans le même piège lors de nos prochains projets ? Etc. Il en va de même pour les coûts, quelles sont les dépenses que nous n’avions pas identifiées ? Celles que nous avions surévaluées ? Etc. Dans une logique d’amélioration continue, se poser ces questions permettra d’affiner et d’améliorer nos analyses lors de futurs projets.

Créer un cadre d’analyse des coûts-bénéfices au sein de son entreprise permet donc de mettre à plat les règles du jeu pour l’ensemble des collaborateurs : quels seront les critères de choix et de priorisation ? Cela permet aussi d’inciter les collaborateurs à se poser les bonnes questions avant de lancer toute nouvelle initiative de data management, ou autre.

Pour un projet d’architecture Data / IT, l’analyse des coûts de mise en place est assez facile et intuitive car plus habituelle. Et peu importe le projet, qu’il soit data ou non, l’analyse des bénéfices reste la plus complexe à réaliser. Pour rendre l’analyse encore plus complexe, beaucoup d’indicateurs et d’estimations préalables ne sont même pas disponibles. Effectivement, suis-je capable de dire : Combien de fois ce problème de qualité de données apparait par semaine ? Combien de temps mes équipes passent actuellement à chercher de l’information ? Quelle est la durée moyenne de validation d’un projet lié à la data ? Quels sont les retards dus à la mauvaise connaissance des sources de données ? Etc. Autant de questions qui sont sans réponses et qui rendent difficiles l’estimation des bénéfices. Comment interpréter des bénéfices potentiels si on ne connait pas précisément le point de départ ?

Ainsi, ce qu’il est souhaitable de faire, est de trouver un moyen partagé au sein de l’entreprise, faisant consensus, pour le choix et la priorisation des différents projets. Les règles du jeu doivent être claires, partagées et formalisées. Pour une organisation complexe cela se traduit par la construction d’une méthodologie par toutes les parties prenantes : le Data Office, les directions métier, la DSI – si le sujet est IT-, les ressources humaines ou encore les fonctions règlementaires si le sujet les concerne. En se basant sur les principes du Lean 6 Sigma, une fois la méthodologie de calcul et d’analyse validée, il est alors idéal de pouvoir la faire auditer par quelqu’un du service financier – qui tient les cordons de la bourse.

Cependant, il ne faut pas qu’une analyse soit, à elle-seule, un critère totalement bloquant pour le lancement des projets, comme nous l’avons dit, l’évaluation exacte est complexe. De plus, les parties prenantes seraient alors tentées de trouver un moyen de tordre et contourner le cadre méthodologique afin de justifier le lancement de leur projet, via une mauvaise quantification des coûts, une augmentation des bénéfices escomptés, etc.

En conclusion

Même s’il s’agit d’un exercice complexe, l’analyse coûts-bénéfices reste une grille de lecture intéressante pour prioriser et arbitrer sur les projets de manière générale et les initiatives de data management n’y font pas exception. Cependant, il y aura toujours des failles et des risques mal identifiés ou des éléments non pris en compte, c’est pourquoi il ne faut pas baser toute prise de décision uniquement sur le résultat de cet exercice, mais plus le voir comme une aide, un indicateur de succès.
C’est surtout dans le cadre de l’acculturation à la gestion de la donnée que cet exercice peut prendre du sens, en étant utilisé pour accompagner à l’évolution des mentalités, en montrant comment la data gouvernance permet de tenir ses engagements et apporte des bénéfices tangibles à l’entreprise.

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Edgar Legrain
Consultant Data Management