Pramana
27 décembre 2023 Back To Basics #Data

La Data Strategy, pourquoi en avez-vous besoin et comment bien se lancer ?

La bonne recette et les éléments à garder en tête pour éviter les écueils.

Pramana

Dans notre article précédent, nous avons clarifié les notions de stratégie et de stratégie data.  Nous y avons introduit les cas typiques que l’on rencontre et qui relèvent d’un manque d’approche stratégique ou d’une approche parcellaire générant des problèmes dans la bonne gestion des données d’une organisation.

Bien qu’ayant introduit les notions de vocabulaire basiques ainsi que quelques grandes typologies d’activités et bonnes pratiques, les Data Managers ou CDO lisant cet article vont rechercher des éléments plus pratiques, les aiguillant dans leur rôle stratégique sur la data au quotidien. « Comment faire ? ».

Cette question d’apparence simple est en réalité très vaste car derrière ce « comment », on peut y voir différents niveaux de détails qui auront un intérêt à différentes étapes de votre réflexion, pour différentes populations :

  1. Comment lancer la démarche ?
  2. Quel processus suivre pour définir ma stratégie ?
  3. Comment embarquer les parties prenantes ?
  4. Comment aborder les différentes façons « types » d’opérer mes capacités data (les fameux « patterns ») ?
  5. Comment opérer un suivi de ma stratégie et m’assurer que les activités de mon organisation sont bien en ligne avec la vision définie ?
  6. Quand et comment opérer un réalignement de ma stratégie en cours de route ?

Il serait impossible, ou tout au moins déraisonnable, d’apporter des éléments de réponse suffisamment complets et pertinents à l’ensemble de ces questions en un seul article. C’est pourquoi le présent article se focalisera sur les 2 premières questions, mais ne vous inquiétez pas, nous aborderons l’ensemble de ces éléments dans une suite prochaine de notre série d’articles.

Avant d’aborder le « Comment », quid du « Quoi » ?

En effet, la démarche est une chose mais nous n’avons pas commencé (volontairement) par le commencement. Car, à la suite de la lecture de ces éléments introductifs, peut arriver une question légitime : « comment savoir sur quel domaine engager ce processus ? » et « puis-je opérer de façon itérative ou segmentée ou dois-je forcément avoir une approche globale au niveau de mon organisation ? »

Vous devinerez aisément qu’il y a plusieurs approches possibles mais nous tentons le coup en vous proposant une vision tenant en 4 points :

Définir le périmètre : L’établissement d’une stratégie data n’est pas inévitablement une démarche globale pour une organisation dans son ensemble, il est tout à fait possible et même très souvent pertinent d’opérer des stratégies « locales » au niveau d’une entité/filiale et/ou d’une Business Unit ou d’un sous-pôle. Certains contextes vont simplement être plus propices à l’établissement d’une approche « globale » ou au contraire plus « segmentée » (nous verrons cela par la suite).

Définir la portée: En revanche, une approche « segmentée » présente des risques qu’il faut avoir en tête dès le départ et auxquels il faut remédier. Cette approche peut amener à définir et mettre en œuvre des stratégies, certes totalement pertinentes dans le contexte spécifique du domaine pour lequel elles ont été conçues, mais se retrouver dans le même temps en désalignement avec des stratégies opérées par d’autres domaines. La question est alors de savoir à quel point certains désalignements sont pénalisants ou pas pour l’organisation dans son ensemble sur les plans financiers, opérationnels, d’image ou encore réglementaires.

Être opportuniste: Il est également tout à fait possible et pertinent de profiter de certaines opportunités, telles que des projets ou programmes de transformation métier ou IT (qui sont en général des opportunités vous donnant accès à des acteurs clés) afin d’y insérer des activités de réflexion et de planification stratégique sur le périmètre de la gestion des données. Par exemple, la mise en place d’un nouveau référentiel de données clients ou d’un nouveau CRM est une opportunité pour revoir les besoins du métier sur ce domaine, leur irritants et les transposer en besoins en termes de capacités data qui pourront alimenter une roadmap stratégique de transformation de la gestion des données client. Ainsi, l’approche « segmentée » peut être opérée, non pas de façon planifiée et systématique, mais de façon opportuniste.

Oui, on vous entend d’ici : pourquoi casser la belle mécanique si bien huilée et agréable de la « sainte-trinité » en ajoutant un quatrième point ? Et bien tout simplement car notre double casquette de consultants data mais également d’architectes d’entreprise nous imposait un petit rappel simple mais hautement important.

Aligner et mettre en cohérence: S’il est tout à fait possible d’opérer des démarches stratégiques segmentées, il sera alors nécessaire de mettre en place (pour les éléments ayant une valeur ajoutée à être alignés en transverse de l‘organisation – cf. second point plus haut) une pratique d’urbanisation en proposant une convergence vers des cibles partagées en termes de processus, de modèle de gouvernance et/ou de solutions technologiques. Cet alignement doit généralement être piloté et opéré par une structure transverse tel qu’un Data Office central ou un bureau d’architecture d’entreprise, qui travaillera bien sûr avec les parties prenantes concernées pour arriver à un consensus global.

Quels prérequis pour initialiser la démarche ?

Il y a en premier lieu des prérequis essentiels à l’initialisation d’une stratégie data. Ces prérequis portent principalement sur le fait d’y voir plus clair dans l’organisation dans laquelle on évolue, à savoir :

Quel est le type d’organisation de notre entreprise ?

  • L’organisation a-t-elle une portée géographique nationale ou internationale ?
  • Est-elle constituée d’un groupe avec plusieurs filiales ?

Comment cette organisation se déploie-t-elle ?

  • L’organisation opère-t-elle avec un modèle fédéré ou avec un modèle plus décentralisé ?
  • Quels sont les modèles de rôles et responsabilités ?
  • Quels sont les mécanismes de contrôle et de prise de décision ?

A-t-on une vision claire sur les enjeux des métiers ?

  • Quels sont les périmètres métier qui sont prioritaires du point de vue de la stratégie de l’entreprise ?
  • A-t-on une vision suffisamment fine des enjeux métier pour en dériver une vision data ?
  • Est-on au bon niveau de granularité pour définir les initiatives à lancer ?

A-t-on une vision claire sur les grands programmes/projets de transformation de l’entreprise ?

  • Quels sont les initiatives en cours, les chantiers à venir ?
  • Y’a-t-il un schéma directeur ?
  • A-t-on fait une corrélation entre les projets/programmes à lancer ou en cours et leurs impacts sur une vision data/IT ?

Le « Comment » : notre proposition de démarche

Une fois ces prérequis sécurisés il est possible d’initialiser la démarche Data Strategy.

Il est bien sûr possible d’avoir différents niveaux d’approche et d’exhaustivité dans la réalisation d’une stratégie, métier comme data, mais ce que l’on pourrait appeler « la Complète », comme on dit dans les milieux autorisés, est l’approche suivante :

Proposition de démarche Data Strategy

Tout au long de ce processus, il est essentiel de garder en ligne de mire un certain nombre de bonnes pratiques et d’écueils à éviter. Suivez le guide :

  1. Audit de l’existant Data

Dans un premier temps, il conviendra d’identifier les activités de Data Management qui sont réalisées ou non au sein de l’organisation.Pour ensuite, identifier les différents points de douleurs data.Et enfin, évaluer le niveau de maturité de l’organisation sur les différentes capacités de gestion des données.

Cet audit peut être réalisé en s’appuyant sur des frameworks du marché existant  (par exemple CMMI ou EDM-DCAM) ou à créer sur mesure en fonction du contexte organisationnel.

  1. Définition de la vision

Au cours de cette phase, il conviendra de réaliser un exercice d’alignement entre les éléments issus de la stratégie métier et les outputs de l’analyse de l’existant data.

Cela nous permet de définir une vision data cible, qui se matérialise par une liste de grands enjeux/objectifs à atteindre et de principes directeurs.

  1. Définition des initiatives et scénarios de mise en œuvre

Pour atteindre la vision data identifiée précédemment, on va détailler notre cible avec des états transitoires et on va lister l’ensemble des initiatives à lancer en identifiants bien les dépendances et les différentes priorités. On pourra proposer différents scénarios de mise en œuvre de ces initiatives.

  1. Planification, budget et allocation de ressources

Les diverses initiatives identifiées devront être planifiées sur une feuille de route allant de 2 à 5 ans, en prenant en compte les dépendances et priorités établies sur la phase précédente.

Il conviendra de réaliser une évaluation budgétaire de l’ensemble des composantes de la feuille de route, aussi bien les coûts d’acquisition, les coûts projet, ainsi que la projection des futurs coûts d’exploitation.
Enfin, il faudra réaliser une analyse d’impacts de ce planning sur les ressources humaines en termes de compétences, formations, recrutements et valorisations.

  1. Mise en place de tactiques de déploiement et de plans d’engagement

A ce stade, il sera nécessaire d’affiner votre plan en identifiant les différents choix tactiques à disposition pour déployer certains éléments de votre roadmap. Vous devrez donc identifier les niveaux de risques associés à chaque initiative et à chaque partie prenante clé, définir les plans de mitigations correspondants afin d’affiner les scénarios précédemment retenus. Cette analyse de risques nous permettra d’établir des plans d’engagements pertinents et personnalisés en fonction des parties prenantes et de leur contexte.

Quelques points d’attention et bonnes pratiques

  • Mettez l’accent sur l’alignement avec les métiers avant toute chose au démarrage :
    Mais ne prenez pas tout pour argent comptant et osez construire des visions plus larges : en effet, répondre aux besoins immédiats et points de douleur des métiers amènera des résultats et l’adhésion, mais cela ne constitue pas en soi une vision stratégique. Un équilibre subtil doit être trouvé entre réponse aux besoins actuels et construction d’une vision, qui peut dans un premier temps induire des renoncements et une insatisfaction de certains car engendrant des changements dans les façons de faire.
  • Une stratégie Data doit être alignée avec la stratégie métier: Oui mais avec des nuances : les décideurs Data (CDO, DPO, etc.) doivent porter des arbitrages portant sur leur vision d’un état de la bonne gestion et gouvernance des données demain – en ne se limitant pas uniquement à répondre aux enjeux du métier. La Data peut porter en elle-même ses propres enjeux – notamment en termes de conformité réglementaire, de sécurité et de mise sous contrôle global afin de limiter les risques et d’amener des économies d’échelle sur le long terme.
  • Construisez votre stratégie Data autour d’objectifs métiers mais surtout de cas d’usages et pensez votre Vision Data cible en termes de « capacités data » à développer. Ceci vous amènera à considérer tous les angles d’attaque : technologies, processus/gouvernance et Ressources (autant humaines que financières).
  • Ne soyez pas en position “d’expert“ lors des échanges avec le métier pour aligner votre stratégie Data: adaptez votre vocabulaire, évitez les notions trop pointues ou pouvant générer de la confusion, et acceptez donc potentiellement « l’approximation » tant qu’elle vous permet de faire comprendre vos messages principaux et d’embarquer les parties prenantes.

Et sans Stratégie Data, il se passe quoi ?

Il est toujours plus impactant d’illustrer l’importance d’une pratique en prenant le sujet à l’envers et en se demandant ce qu’on va perdre en choisissant de ne rien faire.

Et bien voici la réponse à ce qui pourrait vous arriver si vous n’investissez pas du temps sur la définition et le suivi de votre Stratégie Data :

  • Des pratiques de gestion de données réalisées de façon « mécaniques » ou « from the book » mais sans réelle vision ou fil conducteur, pouvant générer des frustrations et lassitudes aussi bien du côté des équipes métiers que des équipes Data et IT.
  • Des pratiques data décorrélées de la réalité et des attentes de vos métiers.
  • Des activités data potentiellement très bien pensées et efficientes, mais pour lesquelles votre organisation n’est pas mature, générant une perception de « surinvestissement » et mettant à risque les futures initiatives dans ces domaines.
  • Un « retard » ou en tout cas une surexposition à certains risques par rapport à la concurrence (ex : manque de réactivité/agilité face à l’introduction de nouvelles réglementations par exemple).
  • Des risques accrus de « mauvais choix » ou de manque de synergie dues à des initiatives trop silotées et non coordonnées, pouvant donner lieu à des choix de technologies incompatibles, des lancements d’initiatives en l’absence de prérequis structurants ou encore une absence de rationalisation des ressources.

Conclusion

Au bout de ces quelques pages, nous avons apporté des éléments d’éclaircissement concernant 2 premières questions clés qui se posent lors du lancement d’une démarche de data stratégie à savoir :

  • Comment lancer la démarche ?
  • Quel processus suivre pour définir ma stratégie ?

Vous avez désormais en main les éléments de vocabulaire et de contexte généraux (voir notre premier article introductif) ainsi qu’un ensemble d’éléments pratiques pour correctement initialiser une démarche stratégique adaptée à votre contexte spécifique et dérouler un processus type qui vous amènera à opérer de façon standardisée.

Dans nos prochains articles nous avancerons ensemble sur les questions complémentaires que vous pouvez vous poser, à savoir :

  • Comment embarquer les parties prenantes ?
  • Comment aborder les différentes façons « types » d’opérer mes capacités data (les fameux « patterns ») ?
  • Comment opérer un suivi de ma stratégie et m’assurer que les activités de mon organisation sont bien en ligne avec la vision définie ?
  • Quand et comment opérer un réalignement de ma stratégie en cours de route ?
Romain Paoletti
Consultant Data
Gianni Spanò
Consultant Data