Pramana
24 août 2020 Back To Basics #Modélisation #Architecture d'Entreprise

Le Modèle d’Objets Métier — Partie 2

Comment le réaliser ; ou comment décrire le savoir métier de votre entreprise, de façon claire et partagée ?

Pramana

Cet article présente les étapes de la démarche de construction d’un Modèle d’Objets Métier, mise au point par Pramana. Il fait suite à un premier article, introduisant le concept de Modèle d’Objets Métier (MOM), les apports d’un tel modèle et les prérequis nécessaires pour s’approprier le sujet (modélisation). Selon le degré de connaissance du lecteur, il peut être conseillé de parcourir préalablement le premier article.

hexagone jaune

Définition du périmètre et des domaines de données

Il faut premièrement cerner le périmètre qui sera modélisé : s’agit-il des données de toute l’entreprise, d’une filière, d’une direction ? Ce périmètre sera découpé en domaines métier. Un domaine métier correspond à un ensemble d’activités ayant une forte proximité contextuelle, ce qui permet de faire l’étude ou le traitement de leurs concepts de manière globale. L’identification et la définition des domaines métier nécessitent une bonne connaissance des activités de l’entreprise. Le marketing ou la production par exemple peuvent être considérés comme des domaines métier distincts. Il faut cependant se garder de substituer les domaines métiers par le découpage organisationnel qui risque de siloter de façon illogique les données. Pour réaliser ce découpage, un plan d’occupation des sols, une cartographie des processus, un organigramme par direction et les modèles conceptuels existants peuvent être utilisés. Une fois ce découpage obtenu, il convient de le soumettre aux personnes ayant une connaissance transverse des données du périmètre. Ils pourront ainsi l’ajuster. Enfin, il s’agit de s’accorder avec les experts des domaines métiers prévus afin de répartir les données. Il est commun à ce moment-là qu’un découpage plus fin apparaisse (un exemple serait un domaine prospection séparé en deux domaines : marketing et contractualisation). La fin de cette étape consiste à identifier et contacter les experts désignés pour chacun des domaines trouvés.

Identification des objets métier

Modèle d'objets métier - logigramme

Pour cette étape, il faut partir des domaines métier de l’étape 1, en faire ressortir les concepts métier principaux afin d’obtenir le premier jet d’objets métier. Dans cette étape, seuls les objets métier sont recherchés, leurs attributs et leurs relations ne sont pas souhaités (ce serait prématuré). L’ambition première ici est de présenter ces objets métiers aux experts des domaines et récupérer leurs retours afin de faire évoluer le premier jet au fur et à mesure des échanges. A la fin de ce temps d’échanges, il est alors nécessaire de faire valider les objets métiers finaux et de définir des contacts pouvant apporter la connaissance sur chacun des objets métier.

Une fois ce travail terminé, la priorisation des objets métier commence afin d’avoir un ordre de modélisation. Deux façons de faire existent : la priorisation peut se faire par domaine métier, dans ce cas, tous les objets métiers du domaine priorisé sont modélisés puis vient le tour des objets du domaine suivant ; ou alors, les objets métier sont triés par ordre d’importance et quelques objets sont choisis par domaine. Il s’agira des objets représentant des données fréquemment utilisées ou servant à des activité prioritaires. Lorsque les premiers objets métiers auront été modélisés, viendra le tour de ceux moins importants. Les deux méthodes sont donc itératives, l’une apporte une forte cohérence entre les objets métier du même domaine et une sollicitation sur une seule période des experts du domaines, l’autre fournit plus aisément une cartographie des relations entre objets inter-domaines.

Modélisation itérative des objets métiers

Cette étape consiste à modéliser les objets métiers, une modélisation faite de façon itérative par « groupes » d’objets métier priorisés en fin d’étape 2. Un certain verni en modélisation peut être nécessaire.

Aparté de modélisation :

Ici une relation est un lien entre objets métiers. Elle est représentée par une flèche allant d’un objet métier à un autre. Elle possède un label sous forme de verbe conjugué précisant les règles métiers reliant les objets. Exemple : « Une flèche allant de client vers contrat avec le verbe ‘possède’ ».

Les cardinalités sont des couples de valeur que l’on trouve de chaque côté d’une relation. Pour une relation entre deux objets métier, il y donc a 4 cardinalités. Elles permettent d’indiquer combien de fois au minimum et au maximum l’occurrence d’un objet métier peut être liée à une occurrence de l’autre objet métier. Il y a trois valeurs typiques : ‘0’, ‘1‘ et ‘N’/’*’ (plusieurs). Exemple : « un client possède au moins un contrat et il peut en posséder plusieurs (1,*), un contrat appartient forcément à un et un seul client (1.1)».

La modélisation se prêtant peu à une description textuelle, un schéma est proposé ci-dessous. L’idée générale est de fonctionner par itération en repartant à chaque fois du modèle produit par l’itération précédente de façon à l’enrichir :

*la liste des entrants mentionnée pouvant servir pour la modélisation des objets métier et la suivante : liste d’objets métier priorisés, documentation renseignant les domaines métier, documentation portant sur les objets métier, organigramme, modèle conceptuel de données, documentation applicatives, expression de besoin métier, processus d’entreprise, lexique métier.

Ce processus est à étaler dans le temps et à planifier selon les priorisations, il faut le suivre tant qu’il reste des objets métier non modélisés.

Validation du modèle

Cette étape, bien qu’étant la dernière, ne doit pas être réalisée à la fin. Il est important de valider le modèle au fur et à mesure de sa réalisation, de manière périodique. Cela permet d’apporter de la légitimité à la démarche et au modèle durant sa création. On obtient ainsi une référence du modèle validé en cas de désaccord futurs. Cela permet aussi d’entériner le langage commun. Et surtout cela permet, en cas d’erreur ou de fausse route durant une itération de modélisation, de n’avoir que peu de rectifications à apporter. En effet, puisque le modèle est enrichi au fur et à mesure et que de nombreux objets et relations s’imbriquent, une fois que plusieurs itérations ont eu lieu, il devient impossible de rectifier simplement une erreur passée.

La validation provient nécessairement de plusieurs sources :

  • Les experts des métiers concernés par les objets ayant subi une modification depuis la dernière validation.
  • Les représentants des parties du SI gérant le pendant technique des données portées par les objets métier ayant subi une modification depuis la dernière validation.
  • Le commanditaire du modèle.

Grace à ces quatre étapes vous devriez obtenir un modèle d’objets métier de qualité. Il y a cependant quelques points d’attention à bien considérer concernant la phase de construction puis la phase de maintien du modèle. Ceux-ci sont expliqués dans la dernière partie de cet article.

Cinq recommandations issues de notre expérience

Premièrement, le modèle représente les concepts métier, il faut donc garder en tête qu’une collaboration étroite avec les métiers est nécessaire. Cela parait évident mais ce point est souvent omis.

Le deuxième point à évoquer est l’importance du cadrage du périmètre : le risque de se retrouver avec un périmètre trop large et, par conséquent, de ne rien pouvoir finir, existe. Pour répondre à cela, il est possible d’avancer par périmètre plus restreint, par exemple par division ou par direction, et d’effectuer un travail de consolidation à la fin.

Il faut aussi mettre en avant l’importance d’une communication régulière autour du modèle. Il est nécessaire d’informer de sa disponibilité et de ses évolutions. Cela afin que les personnes en ayant besoin puisse savoir qu’il existe, ou le trouver, ce qu’il permet de faire, comment s’en servir et peut être comment apporter une contribution à son enrichissement. Pour cela, des newsletters, des affiches, l’animation de communautés et de formations peuvent être mise en place.

De plus, il faut retenir que c’est un projet continu : le modèle doit être mis en jour fréquemment et régulièrement afin d’être toujours en phase avec les concepts métiers (qui sont amenés à évoluer). Personne ne souhaite que le modèle tombe dans l’oubli à cause de son manque d’utilisation dû au fait qu’il ne soit pas à jour.

Enfin, il faut s’assurer que son usage s’inscrive dans les processus de l’entreprise afin que son utilisation soit ancrée dans les pratiques de chacun. Cela permettra à terme de pousser à son maintien de façon distribuée. Il est possible de mentionner par exemple son utilité lors de la création de nouvelles applications où le modèle peut être utilisée en amont des modèle logiques dans la phase de conception des bases de données.

Idéalement son maintien devrait aussi s’insérer dans les processus de l’entreprise, par exemple lorsqu’une équipe manie un nouveau concept et produit de nouvelle données, elle devrait s’identifier comme expert de ce concept et pourrait notifier via un workflow les responsables du modèle que le sujet sera à prendre en compte lors de la prochaine itération. C’est d’ailleurs lorsque cette façon de faire est observée que l’ancrage d’un modèle d’objets métier en entreprise est véritablement réussi.

Cet ancrage de l’utilisation et du maintien du modèle en entreprise soulève donc des questions dont les réponses appartiennent au domaine de la gouvernance des données. Un prochain article sur ce sujet sera justement publié sous peu, il s’attachera à proposer des pistes pour parvenir à une opérationnalisation optimale d’un cadre de gouvernance des données.

Louis Riou
Consultant Data